L’exhérédation Des Femmes En Kabylie : Le Fait De L'histoire Et De La Géographie
Résumé: Les auteurs occidentaux s'émeuvent souvent sans raison, sur le sort qui est réservé à la femme dans la société Kabyle ; il est des plus misérable avancent-ils. L'état d'infériorité de la femme se manifeste d'emblée, dès son entrée dans la vie. Ainsi, il est dit que la jeune mariée qui vient d'assurer la postérité mâle du mari par la naissance d'un fils, se pare orgueilleusement la tête du bijou de circonstance (tabzimt) qui doit révéler à son entourage qu'elle a donné naissance à un mâle... Toujours en tutelle, la femme n'a pas la qualité de personne civile, non seulement elle ne peut faire valoir aucun droit à l'héritage (autant chez le mari que chez le père), mais elle est elle- même un bien meuble de la famille. Pire, le mariage est simplement un acte de vente, le père disposant de pouvoirs incommensurables à l'égard de sa femme, de sa progéniture féminine. Le père dispose à son gré de sa fille, il en accorde la main à qui bon lui semble, sans la consulter sur le choix du mari. En vérité, il s'agit là de schémas, de visions réductrices, qui se réfèrent de manière inconsciente à des normes culturelles autres, celles de la civilisation européenne imbue d'autres références. Car le mariage en Kabylie comme d'autres régions d'Algérie par ailleurs, constitue un Insaniyat, n°13, Janvier – Avril 2001 199 véritable «contrat social» qui ne saurait en aucune manière se passer de 1'avis de la communauté, du groupe et non de l'intéressé. Contrairement à l'idée avancée, les mariages font 1'objet de grandes préoccupations, occupations non seulement de la famille, mais de la Kharouba toute entière, voire du village. La contradiction serait-elle volontairement assumée puisque les mêmes auteurs affirment plus loin, toute tentative de violence à 1'égard d'une femme, de simples propos malséants, un geste indécent, suffisent pour obliger sous peine d'infamie, le mari, le père, le frère ou un parent de la femme à tuer celui qu'elle désigne comme coupable. Les recueils de Kanouns foisonnent d'articles dans ce sens. Ainsi un jeune garçon qui abuse d'une jeune fille paie 12 douros 1/2 d'amende. - Elle punit sévèrement de 100 douros d'amende un adulte qui déflore une fille vierge. - De même, elle punit de 50 douros, le seul fait de rencontrer sur le chemin une femme et de l'embrasser sur la bouche. Pour nous résumer, de simples propos malveillants, allusions faites ou obscénités tenus à l'égard de femmes se règlent inévitablement dans un bain de sang. Comment donc une société, qui, lorsqu'il s'agit des animaux et des égards qu'ils méritent de la part de l'homme, et dont la coutume confirme des droits à la hauteur des civilisations les plus humaines, peut-elle se rendre coupable d'un tel déni à propos de la femme ? Mieux, «jamais, chez ce peuple 1'oeil n'est affligé par les spectacles hideux que nous présentent les nations plus civilisées» : - Ainsi le simple fait d'arracher les crins d'un cheval ou d'un mulet est puni. - Les Kabyles comme les anciens germains font un délit du fait de s'emparer, sans la permission du maître, d'une bête de bât pour la monter ou lui faire porter un fardeau. - La même amende frappe celui qui laboure sans autorisation avec les boeufs d'un autre. - Le propriétaire qui surprend des bestiaux en dommages est puni s'il les frappe parce que ces bêtes ne sont pas conscientes des dommages qu'elle causent, précise l'article. - Le chien Kabyle aux oreilles droites et à la queue touffue, parent mal civilisé du chacal est aussi l'objet de prescriptions particulières, il est défendu de le tuer ou même de le maltraiter. Insaniyat, n°13, Janvier – Avril 2001 200 - La mort d'un chat se paye partout d'une amende. - Tous les Kanouns des mâameras (écoles coraniques) disposent d'un article qui punit celui qui frappe seulement un chat - Le taleb qui tue un chat est renvoyé. Une société qui cultive avec amour et rigueur l’observance de tels préceptes, de telles prescriptions depuis une longue série de siècles, «alors qu'en France, la loi Grammont est toute récente» peut-elle en vérité se montrer aussi injuste à l'égards d'êtres humains, les femmes compagnes de tous les jours, de toutes les épreuves pour ces pauvres paysans ? Contrairement aux idées avancées sous la foi de mauvaises lectures, mauvaghises interprétations ou plus simplement par le choix de référents inopérants, il existe une multitude de dispositions qui préservent les droits fondamentaux de la femme, la prémunissent de la déshérence, du dénuement et du pêché... Et l'on voit bien des pères préférer souvent leurs filles, mêmes mariées, à des proches parents mâles en l'absence de fils. Certes le testament est rarement employé, mais il y a la donation et on en fit beaucoup, semble-t-il. Il y a d'autre part, la vente active par le mari à sa femme, par le père à sa fille, cependant pèse le danger de les voir annuler à titre de donations déguisées (réprouvées dans certains cas). Dans le même ordre d'idées, le mari ou le De Cujus achète à des tiers un bien au nom de l'intéressée (femme ou fille) et pour parer aux surprises possibles, se fait délivrer par elle une procuration (un droit de tuteur) et bien d'autres dispositions ou artifices en faveur des femmes... En tout état de cause la coutume admet que la femme dans le besoin a droit à l'usufruit d'une partie (généralement 1/3) des biens de son père ou de son mari. Entre autres procédés utilisés, la constitution des habous (ayant pour dernier dévolutaire une institution pieuse, zaouia) semble avoir la préférence des «testeurs». Il est cependant précisé que le bénéficiaire ne doit pas quitter la maison du « De Cujus ». Le Kabyle attribue rarement la pleine propriété de tout ou partie de son héritage à une femme, de peur de briser l'unité de son village en y introduisant un étranger, encore moins une terre qu'elle est par ses moyens incapable de travailler, qu'elle ne saurait davantage faire fructifier.
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Publié dans la revue: Insaniyat
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